de Fitir » Sam 19 Juil 2014, 15:37
Le jeune Joimi avait volé. Les six jours de travail au château du seigneur Mordon avaient été interminables mais lui avaient permis de dérober de quoi, peut-être, sauver son père. Personne n'avait remarqué son larcin et il courait dans le bois à perdre haleine après avoir quitté le chemin où parfois patrouillaient les hommes du seigneur.
Une angoisse aigüe et surnaturelle lui donnait des ailes. Le garçon savait qu'il était encore dans le domaine de Mordon mais surtout sur les terres de la gardienne Inki Ti. Elle protégeait la forêt, la nature et détestait les injustices disait-on. Personne ne savait plus exactement à quoi elle ressemblait mais elle rôdait encore dans les bois et les braconniers murmuraient son nom avec crainte et respect. La vieille Madine lui avait aussi parlé d'elle mais il n'avait pas compris : "Oh non moi je suis d'ici depuis toujours mais elle..elle EST ici, oui elle est ici."
Joimi s'arrêta un instant pour reprendre son souffle au bord du ruisseau, les mains posées sur les genoux. Son visage se reflétait dans l'eau à la lumière de la lune quand il aperçut deux yeux. Il leva la tête mais il n'y avait rien que les branches du grand chêne. Epouvanté il reprit sa course dans le bois étrangement silencieux. Cent fois il se retourna ou leva la tête vers les arbres. Le garçon paniqué croyait deviner Inki Ti dans chaque buisson quand tout à coup il heurta quelque chose. Non, ce n'était pas un arbre. Une grande forme sombre se tenait devant lui. Sous la cape noire il crut voir une armure plus sombre encore puis un bras qui brandissait une arme. L'immense boule hérissée de pointes vint masquer la lune, elle allait s'abattre sur lui ! De l'arbre près du personnage en armure jaillit un éclair qui aveugla presque Joimi, une sorte d'épée de lumière avait frappé. Il crut deviner que la forme sombre titubait en se tenant le cou. Joimi sentit des lèvres frôler son oreille et une voix délicieusement chantante fredonna "Hâte toi de rentrer à présent". Baissant les yeux le serf aperçut la cape en lambeaux que le vent dispersait déjà et l'armure qui disparaissait en poussière. Il n'y avait ni sang ni corps, il était seul et le bois avait repris son bruissement habituel. Le jeune garçon, étrangement apaisé, reprit son chemin en marchant jusqu'à la colline de Meria et la cabane de son père.